Nous vivons cette célébration au terme de la neuvaine traditionnelle qui nous prépare à célébrer Marie en son Immaculée Conception.
Je suis heureux de vous accueillir nous qui nous sommes attachés à être des veilleurs, des sentinelles du matin pour nous tenir dans cette posture de l’Avent, de vigilance et de patience dans l’attente de Celui qui vient.
Je ne peux personnellement vivre cette célébration sans garder à l’Esprit et au cœur, ce que j’ai eu la chance de célébrer hier à Paris avec de nombreux évêques, prêtres et fidèles : la réouverture de la cathédrale Notre Dame de Paris, la consécration de son autel, et l’Eucharistie célébrée avec une assemblée nombreuse.
Au cœur de la célébration, mon esprit me ramenait à l’ouverture de la cathédrale d’Orange, l’année dernière, à la toute proche ouverture de la cathédrale de Cavaillon samedi prochain. Mais également à la récente consécration du très bel autel de l’Église de Lagnes le 17 novembre dernier.
Bien sûr ces événements sont à situer dans leur importance et leur contexte.
Les cathédrales de Cavaillon et d’Orange sont historiques et n’exercent plus la fonction d’Église mère du diocèse.
Le bel autel de Lagnes est plus modeste que le splendide autel de Notre Dame de Paris et la puissance symbolique de l’ensemble du mobilier liturgique.
Mais, en gardant toute la proportion nécessaire entre ces éléments, cela peut nous faire mesurer que la liturgie de l’Église nous permet de manière très profonde d’entrer dans le mystère du Christ et de son Église ; entrer dans une maison des hommes qui, par son organisation, son aménagement, son activité, sa liturgie, devient le lieu où le Seigneur se manifeste, plante sa tente parmi nous, demeure désormais au milieu de son peuple.
L’incendie de Notre Dame de Paris en avril 2019 a révélé en contraste l’attachement à ce lieu, non seulement des chrétiens du diocèse de Paris, des habitants de cette grande ville, ou même de notre pays, mais un lien bien plus large que la solidarité de beaucoup est venue manifester de façon surprenante et a permis d’en prendre conscience largement.
Oui, la maison de Dieu au milieu des hommes n’est pas réservée à celles et ceux qui s’y rassemblent assez habituellement. Dans un village ou dans une commune elle est encore le lieu où beaucoup ont pu vivre, dans leur histoire personnelle ou familiale, des événements importants heureux ou malheureux. Et en ce temps où nous voyons de façon de plus en plus fréquente des personnes venir frapper à la porte de notre Église et devenir catéchumènes, beaucoup nous partagent que la visite d’une église, l’espace d’un recueillement ou déjà d’une prière les ont ouverts au Mystère qui déjà les rejoint et les habite.
C’est pour cela que nous devons veiller à faire que nos églises demeurent des lieux ouverts, et que, quelles soient les richesses qu’elles puissent contenir, elles soient capables d’accueillir quiconque et permettent à toute personne de s’y sentir chez elle.
Nous ne sommes pas propriétaires de la maison de Dieu. N’en fermons pas l’accès à ceux et celles qui, consciemment ou non peuvent chercher à le rencontrer.
Au centre de cette Église, en son cœur, il y a l’autel. Nous en percevons toute sa signification symbolique lors de sa consécration, de sa dédicace. Le Christ, dans le mystère de sa Pâque, à la fois prêtre et victime, s’est livré à son Père, comme une offrande, pour arracher le mal du cœur de l’homme, pour enlever les péchés du monde entier et sceller l’Alliance nouvelle. Sur l’autel dressé, bâti en sa maison, se tient désormais la table du Seigneur où son peuple vient refaire ses forces.
L’autel est pour nous le symbole du Christ où sa vie donnée devient source des sacrements de l’Église.
La pierre que les hommes méprisaient est devenue la pierre d’angle.
A la table où le pain est partagé les enfants de Dieu son nourris…
Pourquoi évoquer tout cela alors que nous sommes rassemblés pour honorer Marie en son Immaculée Conception et prier ?
Tout simplement parce que Marie est au milieu de nous en cette maison de prière que sont nos églises, qu’Elle nous accueille, nous reçoit, Elle entend nos demandes, nos attentes et nos espoirs, et nous oriente vers son fils.
Ce n’est pas pour rien que nos églises cathédrales sont pour beaucoup dédiées ou consacrées à la Vierge Marie.
Que ce soit Notre Dame de Paris avec la Vierge du pilier, Notre Dame des Doms et de tout pouvoir avec son ample manteau pour accueillir ses enfants, ou tant d’autres.
Marie est avec nous, présente, croyante au milieu de nous, et nous entrainant dans sa réponse à nous tourner de manière juste vers le Père pour avec son Fils accueillir le don qu’Il nous fait et nous laisser entraîner à donner notre vie, tournés vers Lui et vers nos frères.
La Parole accueillie nous dit ce mystère.
Marie rejointe, visitée, comblée de la bénédiction du Seigneur, saluée comme celle qui est déjà comblée par le Seigneur.
Marie troublée par la Parole qui lui et adressée et la grâce qui lui est annoncée : tu vas concevoir et enfanter un fils.
Marie invitée à se rendre disponible à l’Esprit qui vient agir en elle.
Marie qui se manifeste comme servante, disponible à la Parole.
En ce lieu qui est la maison de Dieu,
En ce lieu où son Fils se donne en offrande pour que nous ayons la vie,
En ce lieu où nous sommes nous aussi visités et comblés.
Marie est avec nous, la première en chemin, elle nous accueille et nous entraîne.
Aujourd’hui nous fêtons Marie, bénie, choisie, comblée, déjà sainte et immaculée.
Nous célébrons Marie qui nous accueille et nous donne avec Elle d’être le domaine particulier de notre Dieu.
Prions là avec la confiance des enfants pour leur mère.
Qu’elle nous tourne vers son fils pour, avec Elle, nous laisser combler.
+ François FONLUPT
Archevêque d’Avignon