Nous voilà invités à approfondir et élargir et notre regard. Il est en effet question de regard. C’est le regard de Jésus qui voit les foules. Il gravit la montagne, il prend du recul et de la hauteur et partage une parole à ses disciples à partir de ce qu’il contemple et tout particulièrement des personnes qu’il voit.
C’est une parole de contemplation.
C’est une parole de Révélation d’un bonheur déjà accueilli, vécu et reconnu.
Les pauvres de cœur, ceux qui pleurent, les doux, ceux qui ont faim et soif de justice, les miséricordieux, les cœurs purs, les artisans de paix.
Jésus perçoit qu’ils vivent déjà du bonheur que Dieu veut pour tout homme. Avec Jésus nous sommes nous aussi invités à contempler.
Ce regard s’approfondit avec la lettre de St Jean. « Mes bien-aimés » voyez quel grand amour nous a donné le Père. Nous sommes enfants de Dieu, dès maintenant.
C’est ce regard qui élargit l’horizon dans des proportions étonnantes avec le voyant de l’Apocalypse. Et voici que j’ai vu une foule immense, que nul ne peut dénombrer.
De toutes tribus, langues, peuples et nations. Une foule d’hommes et de femmes qui "viennent de la grande épreuve, ils ont lavé leurs robes, ils les ont blanchies par le sang de l’Agneau."
Ainsi donc au-delà d’un regard superficiel, voilà ce que nous sommes invités à déceler, à découvrir, ce que la tendresse de Dieu accomplit dans nos vies et dans la vie des hommes et des femmes qui peuplent notre terre.
Nous n’oublions pas les blessures, les violences, les guerres et leur déchainement d’inhumanité. Mais au cœur de la violence du monde et des hommes, c’est ce mystère de tendresse qui est à l’œuvre.
Et Jésus le premier le regarde.
Et Jésus le premier reconnaît et décèle ces traces de bonheur accueillies dans nos vies.
Et Jésus le révèle comme pour nous ouvrir un horizon qui n’efface pas la violence de l’orage et des tempêtes mais qui laisse entrevoir l’ouverture d’un ciel qui se dégage.
Ils sont enfants de Dieu, toutes celles et ceux innombrables, de tous les peuples de la terre, qui accueillent au cœur de la misère de leur vie la lumière d’une tendresse qui les appelle et déjà façonne leur vie. Ils ne sont pas passés à côté de l’épreuve mais ils l’ont traversée avec, chevillée au cœur, l’Espérance qui ne déçoit pas.
Ils ont accueilli et vécu quelque chose du mystère pascal qui éclaire et entraîne leur vie.
Il nous appartient de les reconnaître et de percevoir en eux cette lumière qui vient du Christ. C’est d’eux que nous gardons mémoire, ces saints de nos calendriers.
Ce sont aussi eux que nous reconnaissons, si proches parfois, "les saints de la porte d’à côté", expression chère au pape François.
Aujourd’hui, laissons-nous imprégner de la lumière qui vient rejoindre nos existences.
Laissons-nous envelopper par la présence de cette multitude innombrable.
Ces hommes et ces femmes nous disent la victoire de l’Agneau.
Ils nous entraînent dans cet horizon.
Ils nous révèlent le don qui nous est fait et qui, déjà, s’accomplit mystérieusement en nos vies.
Bien aimés, il est grand l’amour de Dieu.
Il a voulu que nous soyons ses enfants, et nous le sommes.
+ François Fonlupt
Archevêque d’Avignon
Image : Paul Gonzales Marseille, 1856-1938
Sainte Cécile
1900
Marbre de Carrare
Don Hippolyte Jean à la Fondation Calvet, 1916