Au cœur de la nuit voilà que nous sommes auditeurs, et bien plus témoins d’un événement et d’une annonce exceptionnels : Un enfant est né. Dans des circonstances bien particulières – au cœur d’un déplacement pour cause de recensement ; dans une étable, pour cause d’absence de place pour lui et les siens dans les lieux de la vie commune.
Cette naissance est joie bien sûr pour les parents… elle est joie également qui se déploie plus largement auprès des pauvres du pays qui sont là la nuit pour garder leurs troupeaux. On peut ainsi comprendre que les pauvres trouvent entre eux la capacité à se réjouir d’un événement qui les concerne de manière proche et vient éclairer quelque peu la grisaille de leur quotidien.
Mais cette joie n’est pas que pour eux ; un envoyé de Dieu, un ange, vient leur signifier qu’elle est bonne nouvelle pour beaucoup, elle est joie appelée à déployer pour tout le peuple.
Ce peuple n’est pas n’importe quel peuple… il est celui dont Dieu a pris soin depuis des générations, celui qu’il a fait sortit de l’esclavage, lui a donné une terre, l’a arraché aux ténèbres quand il était dans le pays de l’ombre, l’a déjà comblé par la présence d’un enfant.
Ainsi cette naissance ne concerne pas seulement une famille, ses proches et quelques bergers.
Elle est mouvement de grâce qui se manifeste pour le Salut de tous les hommes, pour que se réalise leur espérance : la manifestation de notre Dieu et Seigneur Jésus-Christ qui se donne pour nous, pour faire de nous son peuple, un peuple comblé et qui aime à faire le bien.
Voilà donc la nouvelle qui résonne au cœur de la nuit et que nous sommes venus entendre une nouvelle fois, accueillir.
Au cœur de nos vies et de la vie des hommes, de leurs souffrances, de leurs blessures, de leurs impasses…
Au cœur des artifices de lumière de nos guirlandes, de la fête et des cadeaux… pour que nous puissions l’entendre, la recevoir, et en être renouvelés.
La nuit est profonde en tant de lieux de notre terre, en Palestine et Israël, en Ukraine, en Arménie, et tant de lieux d’Afrique et d’ailleurs.
La nuit est profonde en tant de rues et de quartiers de nos villes, en tant de maisons.
La nuit est profonde quand la faim tenaille, quand le froid envahit, quand la maladie surgit, quand la mort frappe au sein d’une famille.
La nuit est encore plus épaisse quand tout cela provoque notre repli, indifférence, décisions de protection et de défense.
Les ténèbres n’ont depuis longtemps jamais paru aussi épaisses. Et pour beaucoup d’entre nous elles viennent enfermer dans la désespérance ou l’indifférence. Nous sommes ce peuple enveloppé de ténèbres.
Alors, il importe de prêter l’oreille à l’annonce qui nous est faite, à cette Bonne nouvelle qui nous est offerte. Elle nous dit ce cadeau étonnant de notre Dieu qui veut la vie pour nous, qui veut la vie pour tous et qui nous l’offre en abondance.
Et cela, il nous le dit en venant parmi nous, enfant au milieu de nous, prenant le chemin de l’homme pour nous dire que désormais il marche avec nous, et qu’il n’est pas de nuit où la lumière de l’Espérance ne puisse percer.
Mesurons le trésor qu’est ce cadeau. Mesurons la ressource, l’appui qui est le nôtre dans le renouvellement et l’assurance de cette présence. Il n’est aucune obscurité de nos vies qui ne soit appelée à être inondée de lumière, il n’est aucune souffrance, aucune violence qui n’ait le dernier mot.
L’amour de Dieu est avec nous, il est proche de nous, il est l’un de nous. Et cet amour va transformer et éclairer toutes celles et ceux qui seront rencontrés, guéris, redressés, reliés à d’autres. Cet amour vient donner à la vie de refleurir. Avec Lui, nous nous ouvrons au mystère de l’Autre, prêt à recevoir ce qu’il voudra nous donner.
Alors cette nuit, laissons-nous rejoindre en profondeur, laissons-nous toucher. Cet événement ne nous est pas étranger. C’est un Dieu qui m’aime qui me rejoint, qui vient partager ma vie, qui vient l’éclairer au plus profond des ténèbres, des souffrances, des impasses. Sa présence, sa parole, sa lumière, le don de lui-même en Son Eucharistie vient me redresser, renouveler mon existence.
Et puis cette nuit, ne rentrons pas chez nous trop vite. Ne gardons pas cela pour nous. Laissons-nous plutôt entraîner par l’appel de frères autour de nous, leurs attentes, leurs besoins. Pour que cette lumière se déploie et rejoigne chacun.
Oui vraiment la grâce de Dieu encore se manifeste, pour le Salut de tous, pour faire de nous son peuple, un peuple ardent à faire le bien.
+ François Fonlupt
Archevêque d’Avignon